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UNE NOUVELLE GEOPOLITIQUE DE LA MER

$ Isabelle Lasserre - Amiral, vous avez coutume de dire que « la mer est l'avenir de la terre ». Qu'entendez-vous par là ?
Jacques Launay - Je veux dire que, dans notre monde globalisé, jamais les mers n'ont eu autant d'importance. Elles représentent 70 % de notre espace de vie commun et sont tout à la fois des voies de communication et des routes commerciales, des régulateurs climatiques et des lieux d'approvisionnement en énergie (1). J'ajoute que toute la gamme des grandes fonctions stratégiques définies par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale s'y exerce : dissuasion, connaissance et anticipation, prévention, protection et, le cas échéant, intervention. Il est clair que nous assistons aujourd'hui à une « maritimisation » du monde. Les échanges commerciaux, par exemple, ont quadruplé en volume depuis 1965. Plus de 70 % d'entre eux empruntent désormais la voie maritime, qui présente l'avantage d'être moins chère et plus libre que le fret aérien ou routier. Dans l'océan Indien, entre la mer Rouge, le golfe Arabo-persique et l'Asie, les échanges ont pris une ampleur considérable.
I. L. - Certes, la mer est un moyen de communication aussi bien qu'un lieu d'affrontement. Mais en quoi est-ce nouveau ?
J. L. - Ce n'est pas le constat qui est nouveau mais les implications qui en découlent. Les marines occidentales se sont longtemps battues pour asseoir leur domination. Il fut une époque où nos amis britanniques entendaient que tous les navires des autres nations saluent à la mer leurs navires parce qu'ils étaient les souverains des mers. La puissance maritime se mesurait alors aux « trois anneaux » de l'amiral Mahan : une économie de production nationale adossée à une marine de commerce qui, elle-même, reposait sur des colonies et des points d'appui. La marine de guerre était avant tout chargée de sauvegarder les éléments de ce triptyque. De nos jours, le maître mot est la coopération entre l'ensemble des acteurs maritimes. Pour la France, il s'agit d'une mission quotidienne. Nous devons entretenir sur tous les océans des relations de confiance avec les trente pays dont les zones économiques exclusives (2) jouxtent les nôtres. Cette coopération peut prendre la forme d'échanges de personnels, d'exercices bilatéraux ou multilatéraux : à titre d'exemple, au-delà des entraînements traditionnels avec nos alliés de l'Otan, nous réalisons chaque année un exercice majeur avec la marine indienne (exercice Varuna). Par ailleurs, dans les Terres australes et antarctiques françaises, nous coopérons avec l'Australie pour la surveillance des pêches. Ces coopérations visent, bien sûr, à contrôler les actes illicites et délictueux, à réguler les activités liées à l'exploitation des ressources et au transport maritime, mais c'est aussi le moyen pour les États de montrer leur force et de garantir leurs intérêts. La présence massive des marines russe, chinoise ou indienne dans l'océan Indien ne s'explique pas autrement. Une marine bien équipée, humainement et techniquement, est un outil politique en soi. J'irai même plus loin : le simple choix du type de navire que l'on va déployer …