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Les gagnants et les perdants

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Isabelle Lasserre — Selon vous, général, quel sera l’impact du coronavirus sur la situation géopolitique ? Quelles sont les puissances qui sortiront victorieuses de la crise sanitaire et celles qui en sortiront affaiblies ?

Pierre de Villiers — Nous n’avons pas beaucoup de recul, mais il est d’ores et déjà possible de discerner quelques tendances. Comme lors de toute crise de ce type, les gagnants seront ceux qui auront réussi à maintenir l’équilibre entre la préservation de la santé des hommes et des femmes, d’une part, et celle de l’économie, d’autre part. Ceux qui s’en sortiront le mieux sont les pays qui auront été capables : 1) d’anticiper, en s’équipant de masques, de tests et de respirateurs ; 2) de maintenir la cohésion nationale et d’imposer le respect des consignes étatiques ; 3) d’appliquer le principe de subsidiarité, c’est-à-dire la capacité de chacun à exercer les responsabilités de son niveau ; 4) d’investir dans la stratégie en définissant un projet de long terme, tout en pilotant la crise sanitaire au quotidien. 

La stratégie ne s’oppose pas à la tactique, qui s’intéresse au « comment ? », mais privilégie le temps long et tente de répondre à la question du « quoi ? ». Je crains donc que les États puissances, qui ont une stratégie de long terme, ne s’en sortent moins mal que les démocraties occidentales. C’est le cas de la Chine et de la Russie avec la route de la soie ou la grande Russie orthodoxe. Ce n’est pas le cas des pays occidentaux et singulièrement européens, qui ont perdu le cap de leur stratégie. Un seul exemple : pendant la pandémie, la France a établi sous contrainte un pont aérien pour importer des masques de Chine dans des Antonov russes… Où est la logique stratégique dans tout ça ?

I. L. — Quels sont les premiers signes de la recomposition géopolitique qui succédera à la crise sanitaire ? Sont-ils déjà perceptibles ? 

P. de V. — La crise ne va pas modifier en profondeur les lignes de conflictualité. Elle accélérera les tendances. J’en vois plusieurs. D’abord, le retour des États puissances, pour l’essentiel des ex-empires qui réarment et augmentent leurs budgets militaires de près de 10 % depuis plus de dix ans, comme par exemple la Chine, la Russie, la Turquie… Cette tendance va se poursuivre quand nous aurons dépassé la crise du Covid-19. Ensuite, le redéploiement du terrorisme islamiste radical, cette idéologie qui érige la barbarie non pas en moyen mais en fin et vise à déstabiliser nos démocraties occidentales. Il est mobile géographiquement et mutant dans ses mouvements. Il ne faut se faire aucune illusion sur les intentions de l’État islamique. Il va poursuivre son combat, bien au-delà de l’Irak et de la Syrie. Troisièmement, les migrations de masse vont continuer. Elles constituent sans doute le facteur le plus menaçant pour l’équilibre du monde. Enfin, le dérèglement climatique ne va pas brusquement s’interrompre. La crise sanitaire et économique ne va faire qu’accroître et accélérer ces phénomènes.

Ils prendront d’autant plus facilement de l’ampleur que les organisations internationales ont toutes les peines du monde …