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TURQUIE : RETOUR VERS L'EST

$ Sibylle Rizk - La Turquie joue un rôle clé dans les deux dossiers les plus chauds du Moyen-Orient : le nucléaire iranien et, bien sûr, le conflit israélo-arabe. Après s'être longtemps alignée sur les positions américaine et européenne, Ankara s'en distingue désormais pour s'affirmer comme un acteur indépendant. Pourquoi cette évolution ?
Michel Nawfal - La Turquie a l'ambition d'une grande stratégie au Moyen-Orient sans que son projet soit hégémonique : elle défend une politique de coopération globale, tisse des liens économiques avec ses voisins, privilégie la diplomatie plutôt que la force et propose sa médiation dans plusieurs conflits régionaux.
Les Turcs ont offert leurs services pour faciliter des discussions entre Européens et Iraniens (1) et ont joué les intermédiaires entre Israël et la Syrie (2). Contrairement à l'Iran - qui cherche à renverser les rapports de force en sa faveur - ou à l'administration de George W. Bush qui voulait rebattre toutes les cartes -, ils veulent préserver les équilibres de la région.
Cette montée en puissance de la diplomatie turque a été rendue possible par deux évolutions parallèles. D'une part, sur le plan géopolitique, un vide régional s'est créé après l'invasion de l'Irak et l'échec du projet américain de Nouveau Moyen-Orient. Les Russes n'ont pas pu se constituer en alternative, tandis que les Européens restent à la remorque des États-Unis. Quant aux Arabes, ils ne sont pas en mesure d'imposer un processus de paix à Israël qui persévère dans ses visées expansionnistes (nouvelles colonies de peuplement dans les territoires occupés, à Jérusalem, etc.) et sont divisés sur le dossier iranien. D'autre part, sur le plan interne, la Turquie est en train de parachever une révolution en douceur qui l'a poussée à rompre avec l'isolationnisme légué par Mustapha Kemal Atatürk (3).
S. R. - La Turquie a-t-elle les moyens de ses ambitions ?
M. N. - Les composantes de la puissance turque sont nombreuses. La Turquie est d'abord une puissance géopolitique de par sa position géographique, à cheval sur plusieurs sous-systèmes régionaux, qui l'oblige à développer une diplomatie multidirectionnelle (4). C'est le seul pays du monde islamique à avoir placé la religion sous le contrôle de l'État. Cette réforme fondamentale mise en place par Atatürk trouve son origine dans le système administratif des millets (5) en vigueur sous l'Empire ottoman. L'AKP (6) est en train de parachever la démocratisation (7) du pays qui, en la matière, fait figure de modèle dans la région. Autre facteur : la Turquie dispose d'une structure sociale cohérente et dynamique - un atout dont sont dépourvus aussi bien l'Égypte que le Pakistan, ses concurrents potentiels en termes géostratégiques (8). De plus, son économie est restée relativement à l'abri de la récente crise internationale et continue de croître à un rythme soutenu. C'est aussi une puissance militaire capable d'opérer hors de ses frontières, comme l'ont montré les récentes missions au Liban et en Afghanistan (9). Enfin et surtout, elle a la volonté politique de devenir une force d'équilibre et de stabilité au Moyen-Orient.
S. R. …