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L'archipel du goulag ouïghour

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Comment la République populaire de Chine (RPC) traite-t-elle ses minorités ethniques et religieuses ? La question mérite d'être posée au moment où l'empire du Milieu se prépare à gravir les dernières marches qui le séparent du statut enviable de première économie mondiale.
En 2017, on apprenait l'existence de « camps de rééducation » dans la Région autonome du Xinjiang, province de l'ouest du pays peuplée de 22 millions d'âmes, pour moitié des musulmans sunnites turcophones (les Ouïghours représentent aujourd'hui 46 % de la population de la province). Il y aurait des centaines de ces camps abritant possiblement jusqu'à un million de personnes (10 % de la population ouïghoure) disséminées dans les zones désertiques et rurales du Xinjiang - le mot signifie « nouvelle frontière » en chinois -, aussi appelé au XIXe siècle « Tartarie chinoise » ou « Turkestan oriental ». Des images sont apparues, montrant des hommes alignés par centaines dans ce qui ressemble à des colonies pénitentiaires entourées de barbelés et de hauts murs hérissés de miradors.
Des reportages laissant peu de place au doute quant à la réalité de ces camps ont été publiés voilà deux ans, notamment par l'Associated Press et The Wall Street Journal. Des photos satellites ont permis de confirmer les impressions recueillies sur place par des visiteurs étrangers, à commencer par les échoppes fermées et les rues désertées (surtout par les hommes de 15 à 45 ans). Puis, peu à peu, des bribes de témoignages ont émergé. On s'est inquiété de la disparition d'étudiants rentrés au pays, qui s'étaient volatilisés après avoir fermé leurs comptes sur les médias sociaux ; on s'est ému du sort de parents et d'amis dont on apprend qu'ils sont « partis pour étudier », litote pour dire le pire sur les messageries chinoises très étroitement contrôlées par le pouvoir comme WeChat ; les intellectuels ont arrêté d'écrire ou de chanter.
Quelques rares ex-prisonniers ont livré leur témoignage, souvent sous couvert d'anonymat. Parmi eux, des représentants d'autres minorités de la province, comme des Kazakhs qui, grâce à leurs papiers d'identité, ont pu rejoindre une ex-république soviétique d'Asie centrale. Ils ont décrit ce que signifie le mot « rééducation » : entonner l'hymne du PCC dès le matin ; renier l'islam ; faire la critique de ses croyances ; apprendre des rudiments de science « moderne » ; étudier la langue, la culture ou la Constitution chinoises... Ils racontent aussi les cellules surchargées et les châtiments infligés aux récalcitrants (allant de l'isolement aux électrochocs, en passant par la privation de nourriture). Au fil des mois, les preuves s'accumulent : il semble que ces « camps » sont de plus en plus associés à des usines, installées à l'intérieur de leur périmètre, où l'on fabrique des vêtements, des chaussures ou des appareils électroniques...
Les autorités chinoises nient tout en bloc. Seule une délégation de Pékin a admis en août dernier devant le « Comité pour l'élimination de la discrimination raciale » de l'ONU l'existence de « centres de formation professionnelle …