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DICTATEURS: LA FIN DE L'IMPUNITE ?

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Thomas Hofnung - Monsieur le Président, quel sentiment avez-vous éprouvé lors de la comparution initiale de Slobodan Milosevic devant le TPI ?

Claude Jorda - Je vais peut-être vous surprendre, mais j'ai ressenti avant tout un sentiment d'accomplissement. J'ai éprouvé une certaine satisfaction, moins en tant que juge qu'en tant que président d'une institution qui a souvent été décriée. Souvenez-vous, les « tribunaux-sceptiques » ont été nombreux au début... J'ai également éprouvé le sentiment que notre travail n'était pas terminé (1). Au contraire, il nous faut plus que jamais continuer. Il n'empêche que, pour un juge, Slobodan Milosevic est un accusé comme un autre. Malgré son refus de reconnaître la légitimité du Tribunal et son système de défense, qui ne paraît pas très au point, nous lui devons un procès équitable, conforme aux plus hauts standards internationaux. Mais au-delà de cet accusé, le fait est que le tribunal a réussi à tracer sa voie dans le maquis diplomatique. Il est devenu incontournable.
T. H. - Cet événement constitue tout de même un moment historique...
C. J. - C'est la première fois, en effet, qu'un chef d'État encore en exercice il y a quelques mois fait face à la justice internationale. A Nuremberg ou à Tokyo, ce n'était pas le cas, pour les raisons que l'on sait : suicide de l'un, défaillances des autres.... C'est une avancée considérable du droit international humanitaire. Un tabou est tombé et Milosevic est venu, en quelque sorte, confirmer un processus amorcé avec Pinochet.
T. H. - Vous avez entendu déposer, en tant que juge depuis 1994, puis en tant que président du TPI depuis 1999, des dizaines de témoins et victimes dont la tragédie personnelle est imputée, en dernier ressort, à cet homme. N'avez-vous pas ressenti une émotion particulière ?
C. J. - Cette émotion est grande, mais on l'éprouve sans doute davantage lorsqu'on a devant soi des responsables situés à des échelons intermédiaires : le général qui était là lorsque le crime a été commis ; le colonel qui était là, le chef des miliciens... Je me souviens, par exemple, du témoignage d'une femme, dans le cadre d'une affaire impliquant un petit tyranneau qui avait littéralement semé la terreur dans un mini-camp, à Brcko (nord de la Bosnie). Elle disait : « Je veux qu'il me regarde, je veux qu'il me regarde... » Plus vous remontez dans la hiérarchie, plus vous tombez sur le responsable en costume-cravate ou avec des galons.
T. H. - Finalement, Milosevic fait un peu penser au Eichmann décrit par Hannah Arendt, un Monsieur Tout-le-Monde, un individu en définitive extrêmement banal...
C. J. - Encore qu'Eichmann était l'un des rouages de l'appareil nazi, alors que Milosevic, le signataire des accords de Dayton en novembre 1995, était encore — je le répète — sur la scène internationale il n'y a pas si longtemps. C'est précisément là que le travail judiciaire va être important : il va mettre de côté l'émotion — aussi légitime soit-elle, bien évidemment — pour analyser le véritable …