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LA GUERRE ET UN CAMELEON

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Politique Internationale - Les événements du 11 septembre marquent-ils à vos yeux un tournant dans les relations internationales du même ordre que le 9 novembre 1989, date de la chute du mur de Berlin ?

Pierre Hassner - Absolument. Mais il convient de distinguer plusieurs plans : celui de la stratégie, de la politique, de la vie des sociétés. Faut-il considérer que plus rien ne sera comme avant ? Que cet événement soit du même acabit que la chute du Mur, c'est certain. A-t-il changé l'Amérique en profondeur ? C'est moins sûr. Celle-ci n'a pas renoncé, semble-t-il, à son unilatéralisme. Au contraire, celui-ci se nourrit actuellement d'un nationalisme défensif qui puise aux sources pré-bourgeoises du Far West. Mais nul ne sait si ce réflexe lié au choc du 11 septembre aura la vie aussi longue ou plus longue que le « syndrome vietnamien ».
P. I. - Dans quels domaines les changements sont-ils les plus tangibles ?
P. H. - Du point de vue militaire, plusieurs époques se sont succédé depuis un siècle : celle de la guerre comme instrument de la politique ou de la diplomatie ; celle de la dissuasion (ou de la « non-guerre » Est-Ouest) ; puis celle qui a suivi la fin de la guerre froide, depuis dix ans. Dans cette dernière période, on avait l'impression que la guerre était totalement exclue au centre, mais qu'il y avait des conflits civils et des révolutions à la périphérie. Dès lors, une question se posait : fallait-il intervenir ou non dans ces conflits — au Kosovo, au Timor, au Rwanda — alors que notre sécurité n'était pas en jeu et que nous avions renoncé à la guerre pour ce qui nous concernait ? Lorsque le centre, c'est-à-dire les États-Unis, a été frappé en son cœur, le 11 septembre, l'idée de séparation entre les deux mondes a été anéantie. Nous sommes aujourd'hui dans une nouvelle configuration.
P. I. - Quel impact le 11 septembre a-t-il eu sur nos sociétés ?
P. H. - Le changement est majeur. Après la disparition de la menace soviétique et l'effondrement du communisme, la doctrine officielle a postulé qu'il fallait désormais raisonner en termes de risques et non plus de menaces (« nous n'avons plus d'ennemi »). Aujourd'hui, il y a un retour des menaces, mais contrairement à l'époque de la guerre froide, il y a doute sur leurs origines, leurs auteurs et leurs formes. La situation actuelle est très inconfortable. Sommes-nous dans une nouvelle bipolarité qui opposerait une Sainte Alliance au terrorisme ? Ou faut-il procéder à des distinctions beaucoup plus fines ? Prenez l'exemple des attaques biologiques au bacille du charbon : pendant des semaines, on s'est demandé si c'était Ben Laden ou un fou d'extrême droite qui était à l'origine de cette affaire. Actuellement, on soupçonne des chercheurs liés à l'armée américaine elle-même. Nous sommes désormais confrontés à des acteurs — sectes ou individus — qui évoluent au sein même de nos sociétés et qui sont encore plus mystérieux qu'un …